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Le bois atteint la moyenne hauteur

Publié le 15/05/2019 dans Revues de presse

Le match mondial de la construction bois en hauteur fait parfois oublier à quel point le développement du marché de la moyenne hauteur, notamment tertiaire, est devenu exponentiel, tout particulièrement en France.

 
Lorsque Frank Mathis, dirigeant de l'entreprise du même nom et président de l'Association pour le développement des immeubles à vivre en bois (AdivBois), lance, fin 2012, son idée de tours en bois pensées comme objets d'innovation, il ne part pas de rien. À Londres, un immeuble d'habitation tout en CLT atteint alors la hauteur record de dix étages, en passe d'être battue d'un petit étage à Melbourne. Toujours en CLT, le Toit vosgien et l'agence ASP ont réalisé, à Saint-Dié-des-Vosges (88), la prouesse d'atteindre huit étages en logement social dès 2007 - avec isolation en paille de surcroît. À Paris, l'agence Lipsky et Rollet travaille avec la Scop Gaujard sur un bâtiment en bois de même hauteur, la Maison de l'Inde (Paris XIVe). De son côté, Mathis planche avec l'agence Fassio-Viaud, depuis 2009, sur un immense bâtiment de bureaux R+7 à Saint-Denis (93), livré finalement dix ans plus tard et baptisé Pulse (lire p. 18).
 
 
L'extension en bois au centre de l'immeuble Aquarel, à Issy-les-Moulineaux (92), est sans doute le démonstrateur le plus significatif de la construction bois moyenne hauteur d'aujourd'hui.
 
Le mirage des IGH bois
 
Toutefois, l'objet d'innovation de Frank Mathis est censé dépasser largement les huit niveaux, la jauge étant placée à quinze étages et plus. Des démonstrateurs doivent ainsi s'élever dans le cadre de la démarche AdivBois et faciliter dans la foulée la réalisation d'ouvrages de moyenne hauteur, selon la règle de « qui peut le plus, peut le moins ».
 
En réalité, les choses ne se sont pas passées comme ça. Certes, à l'échelle internationale, les tours en bois ont progressivement grimpé jusqu'à atteindre 80 mètres avec la tour Mjøsa en Norvège. Ces avancées sont intéressantes et stimulantes, mais pas transposables telles quelles en France, notamment à cause du cadre réglementaire au sens large. Dans l'Hexagone, six ans après l'initiative de Frank Mathis, les démonstrateurs d'AdivBois se font encore attendre. Le plus avancé, la Cartoucherie de Toulouse (31), est d'ores et déjà dépassé par l'immeuble Îlot 2 Sensations de Strasbourg (67). Le marché prend une orientation pragmatique et gravit les étages les uns après les autres, à son rythme. Aujourd'hui, les R+7 et plus se multiplient et banalisent le recours au bois dans des ouvrages moins élevés, notamment dans le tertiaire, pour des projets de grande envergure (Origine, Curve, 007, Zéro Carbone, Engie, Renault… ). Sortie d'une période très difficile, la construction bois fait face à une demande qu'elle peine à satisfaire. Et tout laisse penser qu'il ne s'agit pas d'un feu de paille, car la notion de bilan carbone et d'énergie grise est en passe de s'ancrer dans les pratiques de la construction, notamment du côté des donneurs d'ordres publics comme la Ville de Paris.
 
 
La barrière des 28 mètres
 
Toutefois, la spécificité française de la construction bois de moyenne hauteur réside dans sa mixité. Une spécificité dérivée de la façon française de construire des tours, quand les Britanniques misent plutôt sur une approche tout-CLT.
 
De leur côté, les Scandinaves - et surtout l'ingénieur Rune Abrahamsen - tablent sur la structure en poteaux-poutres contreventée en BLC, avec planchers en CLT, mais en sont réduits à lester les planchers aux étages supérieurs avec des éléments préfabriqués en béton.
 
Les Français, ou plutôt les acteurs (souvent étrangers), qui opèrent en France n'en sont pas à taquiner la barre des 100 mètres, mais rongent leur frein pour grignoter la barre réglementaire des 28 mètres, avec une approche de plus en plus standardisée qui combine des noyaux en béton plus ou moins étendus, une structure poteaux-poutres en BLC, des planchers nervurés ou non en CLT. La trame tertiaire de 1,35 m est totalement intégrée. Les solutions de façades sont encore tangentes : le bois permettrait de préfabriquer des façades en mur-manteau sur de grandes longueurs, comme cela a été le cas pour la tour Green Office Enjoy (Paris XVIIe) (lire p. 27). Mais il faut combler un vide réglementaire, surtout à plus de 28 mètres, alors que le tertiaire entre dans le domaine contraignant de l'IGH. Ce double frein ne sera pas levé de sitôt, de sorte que dans le domaine tertiaire, le R+10 et plus va prendre la forme de surélévations bois sur plusieurs niveaux en béton.
 
Objectif 50 m en logement
 
Dans le logement, la façade représente actuellement un problème, mais on peut imaginer qu'il sera maîtrisé tôt ou tard et, dès lors, la voie sera dégagée pour s'élever à 50 mètres. Si ce n'est que le modèle standard se trouvera confronté à des descentes de charges phénoménales. Sans doute, les assemblages concentreront alors toute l'attention. L'entreprise Simonin affûte d'ores et déjà ses armes, en couplant les performances de ses goujons collés Resix avec des éléments d'assemblage massifs en acier, déjà visibles sur le stand des Jurassiens il y a deux ans à Batimat.
 
Reste à savoir jusqu'à quelle hauteur l'approche mixte et biosourcée conservera sa pertinence environnementale. D'autant qu'un autre enjeu se profile, qui sera de bâtir avec du bois français, en cycle court, avec la possibilité de réemployer des éléments de construction en sus. Qui peut le plus peut le moins…
 
15/05/2019